Amazonie : sur les traces de l’exploratrice et illustratrice botanique Margareth Mee
Organisée par un biologiste, Gilberto Castro et un professeur de dessin botanique, Dulce Nascimento, cette croisière sur le Rio Negro m’est apparue comme le rêve absolu. Dessiner, voyager, observer et découvrir la faune et la flore, toutes mes passions réunies !
Il y a maintenant juste deux ans, après un long voyage en avion, une douzaine de dessinateurs et moi embarquions, pour dix jours à bord de l’Otter, un bateau entièrement en bois typique de la région de Manaus au Brésil.
Nous allions naviguer sur les eaux noires du Rio Negro et entrer dans les igarapés, cette multitude de bras et méandres que forment ses affluents. Ce fleuve immense se jette ensuite dans l’Amazone.
Chaque jour, sur une barque motorisée que remorquait le bateau, nous partions au lever du soleil à la recherche de plantes incroyables et totalement inédites pour moi. Notre guide, Gilberto a fait plus de quarante voyages en Amazonie, dont quatre avec Margareth Mee. Mais c’est Soldado, un amérindien, qui coupait à la machette les plantes que nous souhaitions récolter. D’une extrême agilité, il grimpait dans les branches pour chercher un nid, une fleur ou la graine d’une essence d’arbre extraordinaire.
La vie à bord était d’une incroyable douceur, l’après-midi nous commencions les cours avec Dulce. Professeur formidable, elle a étudié au Kew Gardens, le Jardin botanique de Londres. Ses peintures ont été présentées aux présidents du Brésil, aux rois d’Angleterre, d’Espagne et de Norvège. Nous fêterons à bord, sa trentième expédition en Amazonie!
Pour commencer, nous dessinons au crayon graphite sur un papier brouillon, la plante choisie. Une des grandes difficultés réside dans la composition des éléments, la réussite d’un dessin en dépend. Lorsque l’esquisse est satisfaisante, nous la reproduisons sur le papier définitif. Je travaille sur du Fabriano Artistico. L’aquarelle botanique exige un grand sens de l’observation. La structure, la matière, l’accroche d’une feuille ou d’un pétale sont autant de petits détails qui vont nous guider pour exprimer le réalisme d’une plante. Chacun avec sa sensibilité et sa technique essaie de capter l’essence et la nature du sujet pour susciter une belle émotion à travers son dessin.
Ma première peinture s’avèrera extrêmement difficile à réaliser. Le papier et l’aquarelle ne réagissent pas du tout comme d’habitude: l’hygrométrie avoisine les 80%, il me faudra trois jours pour m’adapter!
Pendant que nous peignions, des paysages magnifiques défilaient… La jungle à 360 degrés, d’où s’envolent des oiseaux de toutes les couleurs. Autour du bateau, des dauphins roses plongent et s’amusent. Seuls au cœur d’une nature extraordinaire, lianes, troncs, broméliacées géantes se reflètent en miroir dans une eau noire d’encre. Quelques maisons de bois sur pilotis jalonnent les rives, la région est très peu peuplée.
En fin de journée, seuls les oiseaux et les cris des singes hurleurs qui s’appellent d’arbre en arbre réveillaient le calme de la jungle. Chaque soir, le coucher du soleil reste un spectacle inoubliable, la lumière incroyable, le ciel qui s’embrase, puis la lune, énorme, monte pour éclairer l’eau et la forêt tropicale.
Un matin nous sommes partis avec le canoë pour réaliser un dessin de la forêt. Il y avait tellement longtemps que je n’avais pas fait de croquis d’extérieur ! Expérience très intéressante et instructive, on ombre complètement l’arrière-plan, contrairement au dessin botanique où l’on estompe le fond. Mon épure terminée, hop une petite photo pour mon Instagram, le bloc en équilibre sur le bateau, tombe dans l’eau saumâtre et j’ai vu ma jolie forêt tropicale s’enfoncer doucement dans le fleuve!
Jour après jour de nouvelles explorations ou visites. Le Musée du caoutchouc, installé dans une superbe maison coloniale reconstruite pour les besoins d’un film, le marché de Manaus, une expédition dans la jungle avec déjeuner sur place… Sur les canaux, nous partions à la recherche de paresseux suspendus à l’envers dans les arbres. Notre présence ne les dérangeait nullement dans leur sieste. Les petits singes-écureuils, au contraire, se précipitaient sur la barque pour attraper et décortiquer avec adresse les fruits que nous leur proposions.
Nous passerons deux jours amarrés devant l’émouvante maison de Gilberto ou Margareth Mee est venue à plusieurs reprises pour explorer les environs. Entre 1960 et 1990, elle n’a eu cesse que de chercher la très rare “fleur de lune” du Selenicereus wittii, un cactus qui pousse sur les arbres et qui ne fleurit qu’une fois par an, la nuit. Nous n’en verrons que les feuilles et quelques boutons!
Pendant ce merveilleux voyage, j’ai réalisé deux planches botaniques, une branche de Bombax et une de Macacarecuia. Coupée du monde moderne, dans cette nature sauvage et loin de la civilisation, cette expérience restera totalement unique et riche en rencontres humaines.